Qui sont les "ingrats" ? Une réflexion ironique sur les propos d'Emmanuel Macron

10 janvier 2025 - 07:21 - 203 vues

Récemment, le président français Emmanuel Macron a utilisé un mot qui a fait grand bruit : "ingrat". Ce qualificatif, destiné à une partie de l’opinion africaine, soulève des questions bien plus profondes que le simple contexte dans lequel il a été prononcé. Ironie du sort, ce mot semble inverser les rôles dans une relation historique où les responsabilités et les bienfaits ne sont pas aussi unilatéraux qu’on voudrait le faire croire. Alors, qui sont les véritables "ingrats" ?

L’Europe debout, mais grâce à qui ?

Pour comprendre les tensions actuelles, il faut regarder le passé. L’Europe, telle qu’elle existe aujourd’hui, a pu bâtir sa richesse en grande partie grâce à l’exploitation des ressources naturelles, humaines et culturelles de l’Afrique. De la traite transatlantique des esclaves aux colonies, les pays européens ont méthodiquement pillé les richesses africaines pour se hisser parmi les puissances mondiales.

Les matières premières africaines, qu’il s’agisse de l’or, du pétrole, des diamants ou du cacao, ont servi à alimenter les industries européennes. Pendant ce temps, les Africains, privés de leurs terres, de leurs ressources et de leur souveraineté, ont été réduits à des positions de subordination. Mais aujourd’hui, ironie suprême, certains dirigeants européens osent qualifier de "ingrats" les descendants de ceux qui ont été dépouillés.

La responsabilité des élites africaines : complicité ou naïveté ?

L’indignation africaine face à ce terme ne doit pas nous aveugler sur une autre réalité : la responsabilité de certains chefs d’État africains. Ces derniers, parfois par ignorance, parfois par corruption, ont permis à cette dynamique de prédation de perdurer bien après les indépendances.

Les accords économiques post-coloniaux, souvent déséquilibrés, ont renforcé la mainmise européenne sur les richesses africaines. Les dirigeants africains ont parfois bradé leurs ressources pour des promesses de partenariat ou des prêts faramineux qui, en réalité, asservissent encore davantage leurs nations.

Quand ces chefs d’État accepteront-ils de dire "non" aux ingérences étrangères ? Quand cesseront-ils de fermer les yeux sur les pratiques néocoloniales déguisées en aide au développement ? Tant qu’ils ne le feront pas, la roue continuera de tourner en faveur de ceux qui les méprisent ouvertement aujourd’hui.

De l’ingratitude à l’insulte : quelle sera la prochaine étape ?

L’utilisation du terme "ingrat" n’est pas anodine. Elle reflète un mépris latent et une tentative de culpabilisation à peine voilée. Aujourd’hui, on accuse les Africains de ne pas reconnaître "tout ce que l’Europe a fait pour eux". Demain, les appellera-t-on des "mendiants" en pleine assemblée internationale ?

Ce glissement du vocabulaire est inquiétant. Il traduit une vision condescendante et paternaliste qui continue de reléguer l’Afrique au rang d’éternelle enfant incapable de se gouverner seule. Si les dirigeants africains tolèrent de tels propos sans réagir fermement, ils risquent de légitimer encore plus ce genre de discours dans l’opinion publique mondiale.

Et si l’Afrique rendait la pareille ?

Imaginons un instant que les rôles soient inversés. Que dirait-on si l’Afrique qualifiait l’Europe d’ingrate pour avoir profité de ses richesses pendant des siècles ? Que penserait-on si les nations africaines exigeaient des réparations pour les atrocités coloniales et l’exploitation économique continue ?

Il est temps pour l’Afrique de prendre conscience de son rôle sur la scène mondiale. L’avenir du continent dépend de sa capacité à s’unir, à valoriser ses propres ressources, et à ne plus accepter qu’on lui dicte sa conduite.

Le respect commence par soi-même

En fin de compte, la question dépasse le simple mot "ingrat". Elle touche à la dignité, au respect et à la place de l’Afrique dans le monde. Si les dirigeants africains continuent de courber l’échine face à des propos méprisants, ils envoient un message clair : "Vous pouvez continuer à nous insulter, nous ne réagirons pas."

L’ironie est que l’Afrique, malgré les pillages qu’elle a subis, continue de contribuer massivement à la prospérité mondiale. Alors, qui est vraiment ingrat dans cette équation ? Peut-être que la réponse se trouve de l’autre côté de la Méditerranée.

Pour éviter que demain on ne les traite de "mendiants" ou pire encore, les dirigeants africains doivent agir aujourd’hui. Il ne s’agit pas seulement de répondre aux attaques verbales, mais de poser les bases d’un respect mutuel basé sur l’équité et la souveraineté. Parce qu’en fin de compte, le respect ne se demande pas, il se gagne.

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